Nasreddin Hodja, Tamerlan et le tir à l’arc

Chaque fois que Tamerlan s’ennuyait avec ses courtisans, toujours à faire des courbettes et des bassesses, il éprouvait du soulagement dans la compagnie de Nasreddin Hodja. Un jour, il demanda à  Nasreddin de l’accompagner au champ de tir à l’arc.

— Quel bon tir ! dit Nasreddin alors que la flèche d’un soldat perçait l’œil du taureau de la cible. Il me rappelle la manière dont je maniais l’arc.

— Vraiment ? dit Tamerlan, surpris par ces propos. Je n’ai jamais entendu dire que tu as été archer.

— Oh oui, en effet ! J’ai été un archer célèbre. Je me souviens que des hommes venaient de villes lointaines pour me voir tirer à l’arc.

— Mes soldats tireront certainement profil d’une démonstration de quelques bons tirs, dit Tamerlan qui appela alors un soldat et lui emprunta son arc et ses flèches, pour les donner à  Nasreddin.

— Voilà une bonne occasion de nous montrer ton savoir-faire.

— Oh ! dit Nasreddin, vous ne devez pas priver votre soldat de l’occasion de s’entraîner. Il en a tellement plus besoin que moi.

Ce à quoi Tamerlan répondit :

— Ta démonstration lui sera beaucoup plus profitable que le temps qu’il est censé perdre.

— C’est qu’il y a si longtemps que je n’ai pas tiré à l’arc, dit Nasreddin. Il est préférable de ne pas le faire aujourd’hui.

— Oh ! Cela te reviendra dès que tu sentiras l’arc entre tes mains.

Donnant l’exemple, Tamerlan met une flèche en place, tend l’arc et envoie la flèche en plein dans le mille.

— Regarde ! Cela fait des mois que je n’ai pas eu un arc entre mes mains, mais je me sens comme si j’avais tiré hier. A toi maintenant.

— Peut-être devrai-je attendre jusqu’à ce que cette coupure sur mon doigt guérisse, dit Nasreddin qui essayait de changer de sujet.

— Le doigt ne doit pas toucher l’arc ou la flèche, s’entêta à lui dire Tamerlan.

—Vous oubliez la douleur à l’épaule qui m’a gêné tout l’hiver, rétorqua Nasreddin, qui s’accrochait à tout ce qui pouvait contribuer à tenir arc et flèche hors de sa portée.

— Tu as dit ce matin que le soleil printanier d’aujourd’hui avait fait disparaître cette douleur, dit Tamerlan, en tendant fermement l’arc et une flèche vers Nasreddin.

Nasreddin Hodja savait reconnaître un ordre – et un ordre de Tamerlan était vraiment un ordre. Il essaya d’apparaître désinvolte dès qu’il prit l’arc entre ses mains maladroites. Un regard rapide à un soldat lui a indiqué la façon de le tenir. Après deux ou trois essais, il ajusta la flèche pour la diriger vers la cible. Il tendit la corde et ferma les yeux. La flèche tomba mollement à quelques centimètres de ses pieds. Tamerlan s’attendait à voir Nasreddin navré ou embarrassé. Pas du tout ! Un sourire désinvolte éclaira son visage et il dit :

— Ce que je voulais vous montrer, c’est la manière dont tire votre maître de chasse.

Nasreddin prit une autre flèche des mains du soldat et répéta l’exercice, la flèche ne dépassant pas, cette fois, l’aire de départ !

— Et cela, dit Nasreddin, c’est pour vous montrer comment tire votre gouverneur.

Nasreddin prit une troisième flèche et l’ajusta. Cette troisième flèche alla certes plus loin, mais nettement à droite de la cible.

— Et cela, dit Nasreddin, vous montre comment tire votre général.

Nasreddin prit une quatrième flèche, ferma les yeux et tira au hasard. Et, à sa grande surprise, elle se logea exactement au centre de la cible.

—Dieu soit loué ! murmura Nasreddin qui ajouta à l’intention de Tamerlan:

—Et cela, pour vous montrer comment  tire Nasreddin Hodja.

Publié dans : Non classé |le 3 août, 2015 |Pas de Commentaires »

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