Les poules pondeuses et le coq
Pendant des semaines, les garçons d’Aksehir avaient réfléchi à la manière de jouer un tour à leur bon ami Nasreddin Hodja. Ils avaient essayé à plusieurs reprises, mais à chaque fois, le tour s’était retourné contre eux. Enfin ils mirent au point un plan qui ne pouvait pas échouer. Du moins il ne pouvait échouer que si Nasreddin oubliait d’aller au bain. Finalement, est arrivé le jour où Nasreddin devait aller au hammam.
Une demi-douzaine de garçons rejoignit Nasreddin juste avant qu’il n’ait atteint la porte du hammam. Ils parlèrent de diverses choses, juste pour ne pas paraître impatients d’appliquer leur plan.
— J’ai une idée ! dit Djamal, une merveilleuse idée ! Feignons d’être un troupeau de poules. Celui qui ne pond pas un œuf dans le bain devra payer le bain pour tous.
— Excellente idée !
Les garçons furent peut-être trop rapides à accepter un plan si étrange.
— Donc vous pensez que vous pouvez pondre des œufs ? leur demanda Nasreddin,
— Bien sûr ! Confirmèrent les garçons, essayant de ne pas pouffer de rire. Voulez-vous vous joindre à nous pour ce jeu, Nasreddin Hodja?
Sûrement je souhaite être un des vôtres, répondit Nasreddin qui ne pouvait deviner de quoi il s’agissait, mais qui n’avait pas l’intention de se laisser berné par n’importe qui.
Alors qu’ils se déshabillaient, Nasreddin remarqua que les garçons étaient plus lents et plus maladroits que d’habitude. Il fut prêt le premier et entra dans le hammam. Les garçons le rejoignirent, s’accroupissant à côté de lui. Soudain un des garçons entama un chant étrange : — Cot-cot-cot…!
Le garçon agitait ses bras et sautait sur ses pieds. Il indiqua la pierre chaude où se trouvait un œuf blanc bien lisse. Avant que Nasreddin n’ait eu le temps de réagir, un deuxième garçon commença le même manège et indiqua un œuf blanc et lisse sur la pierre où il s’était accroupi. L’un après l’autre, les garçons caquetèrent, agitèrent leurs bras et sautèrent, jusqu’à ce qu’ils aient chacun leur œuf. Nasreddin se souvint qu’ils avaient une main fermée quand ils se sont accroupis à côté de lui. Leurs mains étaient maintenant grandes ouvertes.
— A votre tour maintenant, Nasreddin Hodja Effendi, dirent-ils, en poussant des cris aigus. Montrez-nous quelle bonne pondeuse vous êtes ou alors payez pour le bain pour tous. Nasreddin regarda les œufs, puis les garçons. Il regarda autour du hammam. Alors il sauta sur un banc, tendit son cou comme s’il essayait de toucher le plafond avec sa tête, agita ses bras et ouvrit largement sa bouche.
Le tonitruant Cocorico ! Cocorico ! poussé par Nasreddin se répercuta sous la voûte surchauffée. Alors il sauta calmement de son perchoir, revint à sa place et dit aux garçons :
— Dans une basse cour avec des poules aussi excellentes pondeuses, vous devez avoir au moins un bon coq.
Et chacun paya pour son propre bain.
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