Se chauffer à la flamme d’une bougie

Nasreddin Hodja était assis au café, échangeant des histoires avec ses amis et fanfaronnant plus que de coutume.

— Je pourrais tenir toute une nuit, debout dans la neige, sans aucun feu pour me réchauffer.

— Personne ne peut le faire ! dit un homme en regardant la neige tomber, à travers la fenêtre.

— Je pourrais et je le ferai cette nuit-même. Je le ferai même si je n’avais pas la moindre braise pour me réchauffer. Alors, si je perds mon pari, demain je donnerai un banquet pour vous tous, chez moi.

Le pari était lancé. Les amis de Nasreddin allèrent rejoindre leurs lits douillets, tandis qu’il s’installait seul sur la place enneigée. La neige glacée enveloppant ses pieds et fouettant son visage était pénible à supporter. Mais, plus pénible encore était la somnolence qui le tenaillait. Il se devait de rester éveillé, ne serait-ce que pour réchauffer, en les battant, ses pieds et ses mains glacés. Il avait constaté qu’il était plus facile de lutter contre le sommeil en fixant la bougie qui clignotait dans la maison de Mahmoud.

Le matin est enfin venu. Des curieux rencontrèrent Nasreddin Hodja, frissonnant et baillant, qui rentrait chez lui prendre une tasse de café chaud. Ils lui demandèrent des nouvelles de sa nuit et furent émerveillés de ce qu’il avait fait.

— Comment as-tu pu rester éveillé toute la nuit ? lui demandèrent-ils.

— J’ai fixé une bougie vacillante dans la maison de Mahmoud, répondit-il.

— Tu as bien dit une bougie ?

— Bien sûr, répondit Nasreddin.

— Une bougie allumée produit une flamme. La flamme donne la chaleur. Tu t’es donc réchauffé grâce à la chaleur de cette bougie. Tu as perdu ton pari.

D’abord  Nasreddin essaya de rire de leur argumentation, mais il constata bientôt qu’ils ne plaisantaient pas. Il ne pouvait pas convaincre ses amis qu’une bougie à l’intérieur d’une maison distante ne pouvait procurer aucune chaleur à un homme se trouvant dehors sur la place enneigée.

— Quand viendrons-nous chez toi, pour le banquet ? lui dirent ses amis, insistant sur le fait qu’ils avaient gagné le pari.

— Venez ce soir, à la nuit tombée, leur dit Nasreddin.

Juste après l’appel du muezzin pour la prière du soir, un groupe d’hommes vint frapper à la porte de Nasreddin qui leur ouvrit. Laissant leurs chaussures près de l’entrée, ils s’assirent en tailleur sur une natte.

— Le dîner n’est pas tout à fait prêt, lança Nasreddin de sa cuisine.

Nous ne sommes pas pressés, nous attendrons le temps qu’il faut, dirent-ils.

Humant l’air ambiant pour deviner ce qui pouvait mijoter dans la cuisine, ils ne décelèrent aucune odeur particulière. Ils attendirent, attendirent, attendirent…

— J’espère que vous n’avez pas faim, leur dit Nasreddin de la cuisine. Le dîner n’est pas encore prêt.

— Peut-être pourrions-nous t’aider, suggéra un invité affamé.

— Bien, dit Nasreddin, Vous pourriez tous venir à la cuisine pour aider.

Entrant dans la cuisine, ils furent surpris de trouver Nasreddin debout, en train de remuer avec application le contenu d’une grande marmite en cuivre suspendue et sous laquelle brûlait (à bonne distance) une bougie vacillante.

— Juste quelques minutes ! dit Nasreddin, debout sur la pointe des pieds, scrutant l’intérieur de la marmite froide. Ca ne devrait pas tarder à bouillir. Une bougie donne tellement de chaleur, vous le savez bien !

Publié dans : Non classé |le 17 août, 2015 |Pas de Commentaires »

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